Depuis plus de six décennies, Washington étrangle Cuba avec un blocus qui entraîne également des pays tiers. La rapporteuse de l'ONU Alena Douhan s'est rendue sur place et conclut sans détour que ce blocus doit disparaître. Cuba subit le blocus le plus long de l'histoire mondiale. Selon Noam Chomsky, « l'obsession hystérique de Washington à écraser Cuba depuis 1959 est l'un des phénomènes les plus étranges de l'histoire moderne ».
On parle de blocus et non d'embargo, car d'autres pays sont également empêchés de faire des affaires avec Cuba. Année après année, ce blocus américain est rejeté à une large majorité à l'ONU, mais Washington refuse de céder.
Katrien De Muynck - REDH Belgium
Rapporteuse spéciale des Nations unies
Il y a quelques jours, Alena Douhan, rapporteuse spéciale du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, était en visite à Cuba. Le 21 novembre, lors d'une conférence de presse à La Havane, elle a appelé à mettre fin à l'enchevêtrement de mesures extraterritoriales qui constituent le blocus commercial, financier et économique des États-Unis contre Cuba.
Elle l'a fait lors de la présentation du rapport préliminaire de sa visite. Elle a également souligné que ces mesures prises par le gouvernement américain sont contraires aux principes fondamentaux du droit international, au libre-échange entre les pays et à la Charte des Nations unies. Elles constituent une grave entrave aux droits humains de la population de l'île.
Elle a constaté que le blocus américain a également des conséquences pour les pays tiers et leurs organisations. La pression exercée par les États-Unis les oblige à respecter eux aussi les mesures coercitives à l'encontre de Cuba. En conséquence, la balance commerciale de l'île a enregistré un déficit estimé à plus de cinq milliards de dollars l'année dernière, soit près de 5 % du PIB.
Cela constitue un obstacle à tout développement économique, social et humain normal. Le gouvernement cubain n'est ainsi pas en mesure d'entretenir et de rénover le réseau électrique. L'approvisionnement en eau potable et l'entretien des routes sont également compromis. Les moyens sont insuffisants pour fournir un logement décent à tous.
Cela tient également au fait que les pièces de rechange et les matériaux de construction doivent souvent être acheminés de très loin, ce qui les rend plus coûteux et allonge inutilement leur temps de transport. Douhan a souligné les restrictions supplémentaires qui découlent de l'inscription de Cuba sur la liste américaine des États soutenant le terrorisme. Cela entrave une participation effective au marché mondial.
Les transactions éventuelles sont rendues plus coûteuses par les suppléments qui doivent être payés pour compenser le risque élevé encouru par le secteur bancaire. Les États-Unis ont déjà sévèrement sanctionné à plusieurs reprises le secteur bancaire pour avoir effectué des transactions avec Cuba. Ainsi, en juin 2014, BNP Paribas a payé une amende de pas moins de 8,9 milliards de dollars pour avoir traité illégalement des transactions pour des pays soumis à des sanctions américaines, dont Cuba. L'envoi d'argent depuis l'étranger est également soumis à des pressions, en raison de la fermeture des bureaux des entreprises qui s'occupent de ces opérations.
La rapporteuse a souligné que, bien qu'en principe les médicaments et les dispositifs médicaux contenant moins de 10 % de composants américains puissent être importés, cela ne se passe pas ainsi dans la pratique. Cela s'explique notamment par le rachat de sociétés pharmaceutiques par des capitaux américains. Même pour les médicaments qui peuvent être fabriqués à Cuba, les matières premières font souvent défaut. Cela se traduit notamment par une pénurie de 69 % des médicaments de base.
Les examens médicaux ne peuvent plus être effectués en raison du manque de réactifs ou de l'impossibilité d'acheter des pièces de rechange pour les appareils. Tout cela a pour conséquence une baisse de l'espérance de vie à Cuba, qui était auparavant en tête dans la région, et des coûts humains inestimables dans tous les aspects de la vie quotidienne dans le pays.
La rapporteuse a constaté que la coopération médicale internationale de Cuba dans d'autres régions est également mise sous pression. Cela constitue une violation du droit à la santé de nombreuses communautés où des professionnels de santé cubains étaient déployés. Au cours des dernières décennies, cela s'est produit dans 165 pays.
Selon Mme Douhan, cela équivaut à un chantage et une ingérence inacceptables dans les affaires d'autres États.
La coopération est nécessaire
Douhan a résumé la situation comme suit. Cuba est durement touchée par les conséquences des catastrophes naturelles, les effets du changement climatique, la crise économique résultant de la pandémie de COVID-19 et les défis internes. Cette situation est gravement aggravée par les sanctions unilatérales imposées par les États-Unis, qui entravent l'exercice des droits humains par la population cubaine.
Malgré ce tableau sombre, elle a reconnu les efforts déployés par le gouvernement cubain pour atténuer les conséquences des mesures de blocus, en particulier pour les groupes les plus vulnérables de la population.
« À une époque où aucun pays au monde ne peut vivre isolé et où la coopération est nécessaire pour relever les défis communs, le blocus vise à isoler Cuba du reste du monde et doit donc être levé dès que possible », a-t-elle conclu.
Le rapport final sera examiné en septembre 2026 par la Commission des droits de l'homme des Nations unies.