Katrien De Muynck - Bel REDH
Les 16 et 17 novembre 2023, un tribunal symbolique contre le blocus américain de Cuba s'est tenu dans les installations du Parlement européen. Le blocus économique, commercial et financier, officiellement établi depuis 1960, s'appuie sur plus de 30 lois et dispositions américaines. Il s'agit du blocus le plus long et le plus complet imposé à un pays dans l'histoire du monde. Quatre-vingt pour cent de la population cubaine est née pendant le blocus. Deux cent soixante-trois participants de vingt-et-un pays ont participé au tribunal. Celui-ci s'est conclu par une condamnation ferme du blocus à travers un verdict juridique solidement argumenté.
Un panel international de cinq juges, dirigé par Norman Paech, professeur émérite de droit à l'université de Hambourg, a présidé le tribunal. Le procureur général Jan Fermon a soutenu, entre autres, que le blocus violait les principes d'autodétermination, d'égalité souveraine entre les nations et d'interdiction de l'usage de la force ou de la coercition par un pays contre un autre, qui sont inscrits dans de nombreux traités internationaux. La formulation des accusations a été suivie par une série de témoins et d'experts sur divers aspects.
Dommages à la santé publique
Un premier groupe s'est penché sur les dommages causés à la santé publique par le blocus. Les deux témoignages de mères d'un enfant atteint d'un cancer et d'un cancérologue de l'hôpital pédiatrique William Soler de La Havane ont été déchirants.
Le Dr Belinda Sánchez, directrice de l'immunologie et de l'immunothérapie au Centro de Immonulogie Moléculaire (CIM), a témoigné du fait que le blocus entrave la production de médicaments et de vaccins contre le cancer. En 2022, le coût supplémentaire pour aller chercher des matières premières plus loin s'élevait à un million de dollars. Cela limite évidemment la capacité d'approvisionnement. De plus, les pièces de rechange pour les machines sont souvent très difficiles à obtenir. Les problèmes de paiements internationaux ne permettent pas de fixer ou de maintenir les brevets et de payer les publications dans les revues internationales. Ces publications sur les effets des médicaments et des vaccins sont une condition de la reconnaissance internationale. En raison des restrictions en matière de visas, les spécialistes cubains ne peuvent pas participer à des conférences internationales et les patients américains atteints de cancer ou de diabète ne peuvent pas se faire soigner à Cuba. Inversement, les scientifiques étrangers ne peuvent pas non plus se rendre à Cuba pour des études ou des échanges, car l'entrée aux États-Unis leur est alors rendue difficile ou refusée.
Le Dr Belinda Sánchez a souligné que la pandémie de Covid a fait des victimes inutiles à Cuba parce que les problèmes causés par le blocus ont fait que les vaccins ont pu être produits beaucoup plus tard et pas toujours en quantités suffisantes.
Franco Cavalli, président de l'ONG Medicuba Europe, a parlé des conséquences extraterritoriales illégales du blocus sur la santé.. Par exemple, Medicuba souhaitait financer trois laboratoires supplémentaires pour le diagnostic des maladies transmissibles, à Santiago, Santa Clara et Pinar del Rio, afin de rendre ces tests plus rapidement accessibles à la population. Ce faisant, Medicuba a rencontré des problèmes de paiement avec les entreprises fournisseurs en raison des restrictions imposées par le blocus. Lui aussi était formel : des milliers de décès auraient pu être évités en produisant plus rapidement suffisamment de vaccins et en disposant à temps des seringues et des aiguilles nécessaires.
Les pays tiers touchés
Cette intervention a été suivie d'un nombre de témoignages de personnalités politiques qui ont expliqué l'extraterritorialité des lois de blocus. L'eurodéputé Manu Pineda (Gauche - PCE) et l'ancien président du Parlement européen Miguel Ángel Martínez (2007-2014) ont déploré que l'UE soit en fait un appendice des États-Unis. Si l'Union ne reconnaît pas l'extraterritorialité, elle ne parvient pas non plus à la nier et à mener une politique souveraine. L'ancien député français Michel Lambert a également avancé des arguments en ce sens.
L'ancien président de l'Assemblée générale des Nations unies, Mogens Lykketoft (2015-2016), a souligné que la grande majorité de l'ONU a massivement désapprouvé le blocus pendant 31 années consécutives. En 2016, tout semblait indiquer que sous Obama, le blocus serait allégé, mais sous Trump, ces espoirs ont été anéantis. Biden n'a pas non plus pris d'initiative pour faire quoi que ce soit à ce sujet.